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11 novembre 2008

Hommage !

C_G_1418.jpgJe suis de la génération qui a pu entendre de vive voix des récits de rescapés de la Grande Guerre. Je me souviens de ce que racontais, parfois, parce que plutôt taiseux, le seul grand-père que j' ai connu, celui de notre branche des Vanderstraete de Veurne ( Furnes ). Le grand-père Alphonse à qui je dois le peu de flamand que je baragouine et dont le moindre mot était interdit à la "communale", celui qui m' offrit mon premier livre sur les aventures de Thyl Ulenspiegel, celui dont la seule grande honte fut sans doute d' avoir été réformé de la classe 1909 parce qu' il lui manquait 2 centimètres et qui partit volontaire dès le début des hostilités.

Mon grand-père "Fonse" qui traversa quatre années d' horreur dans un Régiment d' Infanterie : coureur de tranchées, servant de crapouillot et surtout chair d'assaut comme tous ses camarades. Que de moments d'épouvante ou d'angoisse, de hargne ou d'exaltation ne m'a t-il pas racontés, ses yeux délavés comme fixés encore sur des images inimaginables. Tout alors ressortait de ce qui longtemps après l'Armistice peupla ses rêves et ses cauchemars:  l'attente de l'attaque, la sortie de la tranchée, la course saccadée vers les barbelés, les marmitages, le ronflement des obus, le crépitement des mitrailleuses, la ruée de l'ennemi, le fusil brûlant, le cri du "prussien" dans le ventre de qui il avait enfoncé sa baïonnette ou l' infâme gargouillis sortant du visage du "gamin d'en face " à qui il avait ouvert le visage d'un coup de pelle. Et puis la chaleur, le froid, l' humidité, la faim, la soif, la boue, la crasse, les vomissures, les poux, les rats, ceux de l' artillerie qui tirent trop courts, les explosions assourdissantes, le déluge de feu, les gaz, les éclats des shrapnels, la tranchée qui s'éboule, le copain qui ne revient pas, celui qui hurle sa douleur ou qui explose sa folie en rires grimaçants, les membres arrachés, les visages déchirés ou les ventres ouverts et sur tout cela la millénaire odeur fétide des champs de batailles où le sang se mêle aux excréments; mais aussi l'entraide, le secours apporté, le réconfort de la camaraderie, l'amitié, le partage, le pinard, la Madelon, les rares temps passés à l'arrière, le repos du guerrier... quelques bons moments malgré tout.

La Somme et puis Verdun...la côte du poivre! Quatre ans d' enfer et une blessure au flanc pour une Croix de Guerre ! La chance d'avoir survécu. La fierté d' avoir été un homme. Je tenais à lui rendre hommage.    Yves Darchicourt