16 mai 2008
Un flamand sur le trône de Constantin !
" Quand ils l' eurent couronné, ils l'installèrent sur un trône élevé où il resta jusqu' à la fin de la messe, tenant d' une main son sceptre et de l' autre une pomme surmontée d' une petite croix; tout son habillement avait plus de valeur que le trésor d'un riche roi. Après la messe, on lui amena un cheval blanc sur lequel il monta, et les barons le ramenèrent dans son palais de Boucoléon, où on le fit asseoir sur le trône de Constantin; alors ils le tinrent pour le véritable empereur. " ( récit de Robert de Clari )
Le 16 mai 1204, Baudouin, neuvième comte de Flandre et sixième comte de Hainaut, revêtu du pallium, vient d' être couronné empereur de Constantinople en l' église Sainte-Sophie. Elu par ses pairs un an plus tôt, Baudouin Ier de Constantinople avait pris la croix en l' an 1200 avec force chevaliers et hommes d'arme flamands qui s' ébranlèrent en 1202 pour se joindre à la malencontreuse quatrième croisade qui le fit empereur. Un règne éphémère qui se terminera tragiquement le 14 avril 1205 dans le fracas des armes, les cris, la poussière et le sang de la défaite d' Andrinople. Englouti dans la bataille avec 300 de ses chevaliers, Baudouin ne donnera plus signe de vie.*
Pourtant il se trouvera, vingt années plus tard, quelque croisé de retour du Levant pour croire le reconnaître en la personne d'un ermite de la forêt de Glançon près de Valenciennes. La rumeur fera le reste : le héros est sorti de ses guenilles, on le présente à la foule en liesse à Valenciennes, à Tournai, à Lille, à Gand, à Bruges...le comte toujours vénéré dans la mémoire de ses peuples est de retour ! L' affaire fait grand bruit, jusqu' aux oreilles de Charles VIII de France, qui en sa qualité de suzerain, intervient en désignant ce que nous appelons aujourd' hui une "commission d' enquête" présidée par l' évèque de Senlis. Beaucoup plus efficace que ses homologues contemporaines, la délégation royale aura tôt fait de démonter le subterfuge : le pseudo Baudouin est en réalité Bertrand Cordel, ancien ménétrier, batteleur, comédien, faux ermite et vrai mendiant dont la trouble ressemblance avec le comte devait servir les intérêts de barons ambitieux. L' homme finit par fuir à la fin mai 1225, en emportant bijoux et argent; réfugié en Bourgogne, il est arrêté, promptement extradé et promené partout où il avait été acclamé pour avouer publiquement son forfait...avant d' être étranglé entre deux chiens devant la halle échevinale de Lille.
Cela s'est passé sur les terres de Flandre et du Hainaut, au printemps et à l' été 1225, en ces temps bénis où le merveilleux peuplait le quotidien, pendant quelques mois, les peuples avaient rêvé !
Yves Darchicourt * sans doute mort en captivité en 1206 / photo: statue de Baudouin Ier à Mons
10:00 Publié dans Mémoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, flandre, hainaut, lille, constantinople, croisades
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