Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15 septembre 2006

Les orphelins de Marcinelle

medium_img055.2.jpg   Il m'a été donné hier au soir de représenter le Hainaut et le Douaisis à l'inauguration d'une belle et émouvante rétrospective au Centre Minier de Lewarde, en marge de celle déjà ouverte depuis six mois pour la commémoration de la catastrophe minière de Courrières qui fit 1099 victimes le 10 mars 1906.

    Au travers d'une trentaine de superbes et poignants clichés en noir et blanc pris par deux reporters-photographes du Journal de Charleroi ( Camille Detraux et Raymond Paquay ), l'exposition retrace le drame survenu à Marcinelle en Wallonie le 8 août 1956 où 262 mineurs de fonds périrent dans l'incendie de la mine du Bois du Cazier.

     262 travailleurs! 95 belges et 167 de leurs camarades européens: 136 italiens, 8 polonais, 5 allemands, 5 français et d'autres encore venus de Hollande, d'Angleterre, de Grèce, de Hongrie, de Russie ou d'Ukraine, durs à la tâche et venus en Wallonnie avec dignité, pour y travailler non pour y vivre des aides publiques; à l'image de ceux venus dans le Nord de la France, de Pologne surtout, et qui se sont intégrés dans nos cités minières sans qu'il soit besoin de créer un ministère pour cela. On découvrira qu' à la fosse du Bois Cazier, ces hommes travaillaient dans des conditions telles que l'on a pu dire que leur sécurité avait été délibérément sacrifiée sur l'autel de la rentabilité et du profit.

     Les photos de l'exposition retracent parfaitement la tragédie sans jamais donner dans le sensationnalisme. Les fumées noires qui annoncent le drame, les familles qui attendent devant les grilles, le travail des sauveteurs, les survivants, les cercueils alignés, les funérailles...des images intenses, d'une grande pudeur qui témoignent d'un grand professionnalisme. Un bel hommage à tous les mineurs de fonds et à leur travail, à voir pour se souvenir.           MPD              ( rétrospective ouverte jusqu'au 7 janvier 2007 )

    

       

  

    

      

        

       

      

20 août 2006

La rage d'Odynn

                                        medium_odin.4.jpgmedium_4128.3.jpg

     Il était une fois...une histoire simple, tirée d'une légende nordique du XIIIe siècle, probablement imaginée et colportée à des fins d' évangélisation: Karin, fille unique de Töre, un hobereau suèdois, est violée et tuée alors qu'elle se rend à l'église. Les assassins demandent ensuite inconsidérément l'hospitalité au manoir et se trahissent en tentant de revendre la robe de leur victime. Le père, renie sa toute jeune foi chrétienne et massacre rituellement les coupables. Il en demande finalement pardon à son nouveau Dieu; là où se trouvait le corps de l'innocente victime, et où il promet d'édifier une église, une source miraculeuse va jaillir.

     Ingmar Bergman en a tiré " Jungfrukällen " ( la source de la vierge ), un fort beau film en noir et blanc de 1959, une oeuvre de 90 minutes digne des cinémathèques où Max von Sydow crève l'écran. Le film est sobre, tourné avec rigueur, avec de belles et impressionnantes images en clair-obscur. La reconstitution du monde nordique médièval est minutieuse jusque dans les moindres détails et rend habilement compte de l'atmosphère violente d'une époque trouble où la christianisation peine encore à pénétrer les campagnes: la jeune fille est ainsi maudite par le dernier prêtre d'Odynn de la région, relégué dans la forêt; quant au père, il va ressortir d'un coffre l'antique couteau sacrificiel ( un plan superbe que celui de la lame qui vibre, plantée avec rage dans la table ) et retrouver les gestes des anciens rites pour assouvir sa soif de vengeance. Les trois victimes de Töre seront mises à mort différemment, chacune selon un des trois types de sacrifices rituels célébrés en hommage aux trois grandes divinités règnant sur les trois fonction du monde cosmique scandinave. On peut dire que Töre officie, après s'être purifié, il mène le sacrifice comme ses ancêtres le faisaient.

      La fin du film reste toutefois fidèle à la légende chrétienne: symboliquement, une source d'eau pure jaillit là où le père repentant retrouve le corps de sa fille martyrisée et où en pénitence il construira une église, le Dieu de Bonté a pardonné l' errance et les gestes de vengeance, le Bien triomphe. Mais après tout, pourquoi ne serait-ce pas Odynn lui-même qui...De toutes façons, un fort beau film à louer et à se programmer à la place d'une des quelconques fadaises habituelles, de quoi passer un bon moment.          YD

      

     

 

      

10 août 2006

A lire et à relire...

medium_127gi.jpg

...pour se souvenir!

    Il y a 90 ans, sur quelques kilomètres carrés, se déroulait autour de Verdun une des plus gigantesque bataille de l'Histoire. De ceux qui y ont participé, les survivants se comptent sur les doigts de la main et leur mémoire directe bientôt ne témoignera plus. C'est pour cela que le livre " Verdun 1916 " est un ouvrage essentiel pour qui souhaite remonter le temps, partager la vie quotidienne de ces soldats en bleu-horizon et revivre la souffrance endurée pendant des mois par ceux qui ont incarné la fière devise: " on ne passe pas! " 

   Publié en 1934, le livre de Jacques Péricard - lui-même engagé volontaire pour le front d'octobre 1914 à mai 1917 - présente l'intérêt unique de décrire la bataille au jour le jour au travers des témoignages relevés directement auprès de milliers de soldats français. La réédition de 1997, actuellement disponible, couvre la période du 21 février au 11 décembre 1916; 610 pages, 392 photos en noir et blanc, une compilation de centaines de documents ( rapports, courriers, " paroles de poilus "...) qui font revivre intensément ce qu'ont vécu ceux " qui ont fait Verdun ".

     Mais peut-on réellement éprouver par les mots l'angoisse des hommes lancés à l'attaque: " ...une première vague d'assaut est anéantie...une deuxième vague est lancée qui connait le même sort...une troisième, puis une quatrième vague sortent de leurs tranchées, mais cette fois en colonne par quatre... ", ou la frénésie angoissée de ceux qui subissaient une offensive: "...pendant deux heures ce fut un tir incessant...les fusils étaient portés au rouge...nous graissions chaque cartouche avant de nous en servir...nous n'étions plus des hommes, nous étions des démons enivrés par la poudre..." ; est-il seulement possible d'imaginer la terreur des malheureux soumis pendant des heures et des jours aux incessants marmitages: " ...combien de temps dura ce bombardement?..pour moi, il dura des années...les obus tombent, les tranchées s'effondrent, les cadavres s'entassent, le sol bout...partout il y avait des morceaux de chair humaine épars...j'ai tellement souffert que je n'avais plus peur de la mort, il m'arrivait même d'envier les morts " ou la rage de survivre dans les corps à corps: "...à la grenade, au fusil puis à la baïonnette...avec des pelles, des pierres, tout ce qui tombait sous la main..." Tout est décrit avec les mots simples de ceux qui ont connu la faim et la soif, la chaleur et le froid, la pluie, la boue, les poux...l'angoisse, la souffrance, le désespoir, la rage et la hargne, mais aussi la camaraderie, la fraternité, le dévouement, la fierté du devoir accompli, et toutes les petites joies qui donnent le goût de vivre et d'espérer vivre encore.

        Les forts de Vaux, de Douaumont, ou de Souville, le bois des Caures ou celui d'Haumont, la côte du Poivre et la butte des Eparges, la ferme de Thiaumont...des noms connus, d'autres oubliés, des souvenirs précis et intenses en émotion, une lecture de communion avec tous les héros anonymes dont il a fallu que Chirac ose souiller le souvenir par ses propos imbéciles sur Philippe Pétain, le général vainqueur et ses considérations aussi incongrues qu'un étron sur la Voie Sacrée. Un beau livre, un livre utile pour saisir pleinement les paroles de l'auteur: " Qui n'a pas combattu à Verdun, ne connait pas la misère ".          YD

" Verdun 1916 "   Jacques Péricard  Nouvelle Librairie de France 1997  19€