" En cet an qu' ai dit or endroit / et ne sais à tort ou à droit / furent les Templiers sans doutance / tous pris par royaume de France / au mois d' octobre, au point du jour / et un vendredi fut le jour "
Comme un coup de tonnerre dans toute la Chrétienté : sans même solliciter l' avis du Pape Clément V, Philippe IV Le Bel, roi de France, a osé faire arrêter tous les templiers de son royaume !
L' implacable machine administrative qui allait broyer le Temple s' était mise en marche le 14 septembre avec le portage d' une lettre du monarque dénonçant les " crimes " des templiers et ordonnant leur arrestation à tous les baillis et sénéchaux par des commissaires royaux chargés de coordonner les opérations, à savoir : surveiller discrètement les templiers dans chaque Commanderie pour déterminer leurs capacités de résistance, recruter toujours aussi discrètement des hommes de confiance ( chevaliers, échevins ) chargés d' encadrer les forces envoyées sur le terain, s' assurer de la personne des templiers, dresser un inventaire précis des biens mis sous séquestre, procéder aux interrogatoires avant de requérir les inquisiteurs locaux suspects sans doute de n' être point assez persuasifs, obtenir des aveux par tous moyens. Le 22 septembre, l' Inquisiteur de France avait adressé ses instructions aux inquisiteurs du royaume.
De façon stupéfiante, les templiers n' eurent vent de rien où dédaignèrent les informations portées à leur connaissance; à l' aube du funeste vendredi 13, ils se laissèrent prendre sans opposer la moindre résistance. De façon plus stupéfiante encore, les hommes du Temple, et même leurs dignitaires, avouèrent tout ce qu' on voulut qu' ils avouent, notamment l' hérésie, l' idôlatrie et les pratiques sodomites que leur Règle pourtant vilipendait comme un vice " ort et puant." Des aveux extorqués à des hommes rudes qui ne craignaient pas le choc des armes ou la fureur des assauts mais qui humainement faiblirent dans les tourments infligés à leurs corps entravés. Des aveux qui confortèrent un discrédit grandissant dans l' opinion déjà " travaillée " par des rumeurs basées sur les dires de personnages douteux chassés du Temple pour leur lâcheté ou leurs vices et qui en faisaient des cupides, des soudards ( boire comme un templier, jurer comme un templier ) voire même des proxénètes ( Templehof ), et qui s' adonnaient à des rituels blasphématoires .
On en disait même que leurs abominations les rendaient responsables de la perte de la Terre Sainte. Eux qui ne possédaient rien, pas même leur écuelle ou leurs armes et qui n' amassèrent des richesses que pour les engouffrer dans l' entretien permanent des forteresses et des combattants protecteurs du Royaume de Jérusalem. Eux dont les prestigieuses et puissantes échelles si magnifiquement ordonnées et uniformes décidèrent si souvent de l' heureuse issue de la bataille. Eux, chevaliers francs, au manteau blanc frappé de la Croix rouge pattée, qui impressionnèrent tant leurs ennemis au Croissant comme en témoigne ce texte d' Imâd-Ad-Dîn secrétaire de Saladin : " Templiers impurs (...) chacun d' eux zélé et sans faiblesse, tous formant comme un noeud de vipère, serpents sous leur peau bigarrée, hommes roux aux yeux bleus sur leurs chevaux noirs "
Ils ne savaient que prier et combattre, ils furent finalement terrassés par des fonctionnaires...le gonfanon Baucent ne ménerait plus jamais la charge.
Yves Darchicourt